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nouveau consommateur
9 septembre 2009

Le top du troc

Le top du troc

echangeLe troc est mode. Mieux, ce très vieil outil commercial, s’offre carrément une nouvelle jeunesse. Dopé au viagra d’internet, le troc se révèle être un séducteur toujours vert et imaginatif. De plus, expert es/économie et philosophie, tendance échangiste, il connaît intimement tous les points sensibles du nouveau consommateur écolo… Et si le troc se révélait être une passerelle vers un autre monde possiblement délivré des manipulations financières ? 

Par Odile Alleguede ( Nouveau Consommateur N° 30 juillet 2009)

Comment résister à ce plus vieux concept du monde au charme tellement universel ? N’est-il pas capable d’abolir toutes les barrières, qu’elles soient celles du langage, de la coutume, de la méfiance et, surtout, de la devise ? Allégé du poids de l’argent, c’est un voyageur du monde sans bagages, un négociant sans propagande, un philosophe sans discours. Du fait même des valeurs prônées par tous ceux qui, aujourd’hui, revendiquent une démarche écologique, environnementale et plus naturelle, le troc s’avère être, sinon incontournable, du moins fédérateur.

Du radin au rupin

Si vous avez la curiosité de taper les quatre petites lettres de « troc » sur votre moteur de recherche, vous aurez la modeste réponse de quelques cinq millions de sites potentiels. Tout y passe… ou presque. La seule limite : l’imagination, ou plutôt l’audace de la transaction. Car, en fait, entre deux individus en recherche de quelque chose, la seule valeur qui compte est le montant de leur désir, cette « monnaie de songe » dont la cote boursière échappe à toute manipulation du marché. Depuis l’offre du vieux moulin à café de grand-mère contre un chocolat chaud, ou bien l’échange d’un sac Saint- Laurent vintage contre une figuration dans le dernier film de Sofia Coppola, vous pouvez faire (ou vous faire) plaisir malgré un porte monnaie aussi vide que les poches du pochtron au sortir de la taverne ! 

L’aventure du trombone rouge

Connaissez-vous l’astucieux canadien Kyle MacDonald, promu grand spécialiste du troc et, accessoirement, auteur d’un livre insolite sur le sujet ? En quelques mots, parti d’un inoffensif trombone rouge gondolé, oublié sur son bureau, Kyle, qui voulait une maison mais n’en avait pas le premier fifrelin, décide de se lancer un défi en  testant le principe du troc. Le tout en un an pile, soit le tour du troc en 365 jours. Le trombone tordu est devenu un stylo-poisson puis, d’échange en échange, une coquette villa de bois blanc à Kipling, dans la province du Saskatchewan au centre du Canada. Comme il a cherché à se le prouver lui-même, Kyle affirme à l’issue de son aventure que : « …ce n'était pas la valeur matérielle de l'objet qui comptait, mais la valeur subjective et sentimentale qu'on pouvait lui apporter… Ce que j'ai réussi le mieux, ce n'est pas tant la destination que le voyage... Je n'aurais jamais cru qu'on pouvait obtenir absolument tout ce qu'on voulait en y croyant, ni qu'on pouvait troquer n'importe quel objet contre le rêve de quelqu'un… ». Cette impalpable monnaie de songe, tout à la fois, unique à chacun, et pourtant commune et accessible à tous, est un trésor bien plus grand et imprenable que toutes les réserves suisses des légendaires comptes numérotés.

Mais qui sont ces toqués du troc ?

Oui, qui sont donc ces adeptes du troc, ces boycotteurs de l’argent ? Lui, elle, moi, vous, tout le monde ! Ils couvrent toute la largeur du spectre social contemporain et se multiplient dans tous les pays. De l’anarchiste versus XXIe siècle, rebaptisé du néologisme anglo-saxon de freegan (un concentré de free et de vegan), ou glaneur pour les puristes francophones, lequel milite énergiquement contre le gaspillage de la surconsommation, quitte à lorgner sur les poubelles, jusqu’à l’intello devenu nouveau soixante-huitard d’une révolte contre la bourgeoisie du savoir et le diktat enseignant. Pour les premiers, le troc joue les pragmatiques, parfois extrémistes, et flirte ouvertement avec l’autarcie. Pour les seconds, il se veut cérébralement attirant, utilisant l’échange de connaissances comme monnaie d’un genre nouveau.

Début des années 1970, Claire Héber-Suffrin, modeste institutrice, fait figure de pionnière loufoque avec son idée de réseaux de partage des savoirs (les MIRERS). Aujourd’hui, quelques milliers de réseaux plus loin (plus de 600, rien que dans l’Hexagone), soit environ 100 000 personnes d'est en ouest, elle a semé ses émules comme autant de graines de projets indépendants et originaux. Laure Malézé, présidente et fondatrice du récent Réseau du sud de l’Aisne (à Château-Thierry) explique : « …On a tous quelque chose à partager, des connaissances à transmettre… ». Très juste. Par exemple, vous êtes une artiste du piano culinaire, mais rêvez en secret de tangoter ? Qu’à cela ne tienne, la latino, fraîchement débarquée de Buenos Aires, vous dévoilera les secrets du pas syncopé en échange de cours de cuisine française. Et qui sait, lorsque le bandonéon aura lâché ses ultimes notes passionnées, l’argentine aura peut-être décroché son premier emploi dans un restaurant ?

Monnaie de songe …

« …Basés sur des échanges de services ou de biens, fonctionnant selon des modes très divers, les systèmes existants font en sorte de dissuader l’accumulation tout en créant de nouvelles relations entre les membres de la « communauté »…  Partout où ces systèmes sont en place, les échanges sont multipliés, de nombreux besoins non remplis auparavant trouvent des solutions, de nombreux emplois sont créés, et le lien social retrouve son caractère central… ». Ainsi écrit un membre de « DionysSEL », Système d’échange local des habitants de Saint-Denis (93), à propos d’un débat de circonstance lors du dernier opus du festival de cinéma d’Attac au titre accrocheur : « Soyons réalistes… osons l’utopie ». Echange, le mot magique, le sésame de cette caverne d’Ali Baba-cool, le revers de cette monnaie affublée du qualificatif de « parallèle », est enfin lâché dans l’arène économique. La question n’est plus de savoir si les gens sont au rendez-vous, car les initiatives de ce type pullulent partout sur la planète, mais plutôt de se demander ce que la politisation financière du monde va faire de cette lame de fond. Car, enfin, imaginez un peu ce qui se passerait derrière les portes de ces bureaux feutrés des grandes banques internationales si la grève contre l’Euro, le boycott du Dollar ou le mépris de la Livre devenaient endémiques ! Utopique, insensé, inquiétant même pour certains ? Que nenni. D’autres y ont pensé depuis belle lurette et œuvrent tranquillement en ce sens, comme le moujik Guerman Sterligov dont l’apparente défaite a laissé des portes toujours ouvertes. Et si le troc se révélait être une passerelle vers un autre monde possiblement délivré des manipulations financières et des dépendances savamment entretenues ? Quelle perspective et aussi… l’objet d’un autre article à venir. En attendant, chers lecteurs, que feriez-vous si on venait soudain « troquer » à votre porte ? 

Pour surfer :

http://www.radins.com/troc/ 

http://www.troczone.com/ 

http://www.troc-aux-plantes.com/ 

http://www.trocparty.org/ 

http://www.trocmaison.com/ 

http://freegan.fr/ 

http://www.mirers.org/ 

http://oneredpaperclip.blogspot.com/ 

www.troceo.com 

Pour lire :

Kyle MacDonald, Un trombone rouge, Michel Lafon, 2008 

Claire Heber-Suffrin et Sophie Bolo, Echangeons nos savoirs, Syros, 2001

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